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Corporate PPA: les premiers retours d’expérience
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En février dernier, dans le premier numéro d’Ener’Focus, nous avions déjà présenté les Corporate Power Purchase agreement (CPPA), ces contrats de vente d'électricité établis entre un producteur renouvelable et une entreprise consommatrice d’énergie.

 

Nous avions annoncé que les premiers CPPA pointeraient le bout de leur nez durant 2019 et nous avions raison. Pas moins de 6 contrats ont été signés au cours de l’année. Mais que retenir de ces premiers contrats?

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Contrats de CPPA conclus en France en 2019

 

A quoi ressemblent les premiers contrats ?

 

Force  est de constater en jetant un coup d’œil à la cartographie “Contrats de CPPA conclus en France en 2019” ci-dessus que les CPPA signés en 2019 ne sont pas aussi hétérogènes que l’on aurait pu s’y attendre au premier abord.

 

Coté producteurs, encore peu d’entreprises se sont lancées, Voltalia et Eurowatt ont signé respectivement trois et deux des six contrats. Coté consommateurs, on trouve un peu plus de diversité avec 2 banques, 2 enseignes de distribution, 1 coopérative agricole et 1 opérateur ferroviaire. Les industriels et les administrations sont pour l’instant absents de la liste.

 

Si on s’intéresse aux actifs de production, objets des CPPA, deux grandes typologies émergent. Nous avons dans le cas des CPPA signés par Eurowatt et EDF Renouvelables des actifs éoliens construits autour des années 2005-2006 et qui arrivent au bout de leur contrat d’achat (15 ans). Ces actifs peuvent encore fonctionner pendant plusieurs années et doivent donc trouver un moyen alternatif de commercialiser leur énergie, soit via le marché de gros, soit à travers un CPPA. Dans le cas des CPPA signés par Voltalia, les actifs sont des parcs solaires à construire dans les prochaines années. Ces actifs ne bénéficieront pas de soutien public, leur revenu sera garanti uniquement par les termes du CPPA. Ces deux types d’actifs ont donc des besoins différents ce qui explique des durées de contrats très différentes elles aussi. 3 ans pour les CPPA d’Eurowatt/EDF Renouvelable contre 25 ans pour ceux de Voltalia. Des périodes de contractualisation longues étant nécessaires pour sécuriser le financement d’actifs nouveaux.

 

L’ensemble des CPPA signés sont “physiques”, l’énergie produite par l’actif de production est comptabilisée dans un périmètre d’équilibre désigné par le consommateur (généralement celui de son fournisseur d’énergie). L’alternative étant un CPPA financier ou “Virtual PPA” impliquant uniquement des règlements financiers sur la différence entre le prix fixe du PPA et le prix variable du marché day-ahead (ou un autre indice de marché) entre les parties, sans livraison de l’énergie produite sur un périmètre d’équilibre pré-déterminé. Les CPPA financiers et physiques sont similaires en terme de gains/pertes pour les producteurs et consommateurs, cependant il semble que ceux-ci privilégient les CPPA physiques. Il existe plusieurs raisons possibles à cela. Les CPPA physiques peuvent être plus facilement être combinés à un contrat de fourniture à prix fixe. Dans le cas d’un VPPA où le consommateur va devoir s’approvisionner «physiquement», en partie au moins, au prix de l’indice variable. Ce qui créé une complexité additionnelle dans son contrat de fourniture. Les VPPA se comportent aussi davantage comme des produits financiers en termes de règles comptables et aussi de par les flux de trésorerie difficilement prévisibles qu’ils peuvent entraîner. Cela peut décourager certains acteurs, les poussant à privilégier les CPPA physiques .  

 

Trois des contrats signés sont dit “sleeved”, i.e. une troisième partie, ici Agregio, joue un rôle d’intermédiaire entre l’acheteur et le vendeur, absorbant le risque de contrepartie généré par le contrat. Agregio a un contrat d’achat avec Eurowatt/EDF Renouvelable, dans lequel il s’engage à acheter toute l’énergie produite par l’actif, et un contrat de vente avec les consommateurs (METRO,etc.), dans lequel il s’engage à vendre toute l’énergie produite par l’actif. Les producteurs et consommateurs n’ayant pas de contrat directement entre eux, ils n’ont pas de risque en cas de défaut d’une partie, le prix du CPPA reste assuré. Agregio joue aussi le rôle de responsable d’équilibre, intégrant la production renouvelable variable dans la fourniture du consommateur.

 

Les différents contrats ont aussi des degrés différents “d’additionnalité”. Un CPPA est dit fortement additionnel lorsque qu’il permet le financement/la construction d’un actif EnR qui n’aurait sans doute pas eu lieu en absence dudit CPPA. Les CPPA conclus sur des actifs déjà existants et amortis sont peu/pas additionnels car ces actifs peuvent être maintenus en fonctionnement simplement en vendant leur énergie sur les marchés. Les coûts d’opération et de maintenance étant limité, un actif renouvelable amorti peut généralement continuer de produire avec des prix de marché moyens inférieurs à 20 euros/MWh. Dans certains cas, la conclusion de CPPA courts peut tout de même permettre un réinvestissement dans l’actif (prolongation de sa vie/amélioration de sa production), si leur prix est supérieur à celui du marché.

 

Suivant la même logique, un CPPA portant sur un actif nouveau mais qui serait combiné avec un mécanisme de soutien (complément de rémunération ou autre) serait faiblement additionnel. Ce cas n’est cependant pas possible actuellement, les garanties d’origine des actifs bénéficiant d’un soutien ne pouvant être émises directement par les producteurs.

Le CPPA SNCF-Voltalia, un retour d’expérience

 

Le PPA signé entre SNCF et Voltalia est certainement le plus ambitieux du lot. Il porte à la fois sur une longue durée (25 ans) et sur une capacité importante importante de 143 MW, soit environ 3,5% de la consommation annuelle de la SNCF (qui s’établit aux alentours de 10 TWh/an). On peut facilement imaginer que la conclusion d’un contrat d’une telle ampleur n’a pas dû être simple, à la fois pour le producteur Voltalia et le consommateur SNCF Energie (la filiale gérant l'approvisionnement en énergie de la SNCF).

 

Nous avons interrogé Laurent Pillot, Head of Energy Management chez Voltalia et Bénédicte Maury DG chez SNCF Energie afin de recueillir leur expérience.

 

Tout d’abord pourquoi choisir la voie du CPPA ? Côté producteur le choix a été simple, les actifs de plus 30 MW ne sont pas éligibles aux mécanismes de soutien, ils ne peuvent pas participer aux appels d’offres organisés par la CRE. Les durées de contractualisation supérieures à celles des soutiens publics ( limitées à 15 ans) peuvent aussi pousser les producteurs à choisir la voie des CPPA. La vente de l’énergie sur le marché à un prix qui ne peut être fixé que 3 ans en avance aurait considérablement augmenté le coût de financement de l’actif et rendu impossible son développement. Le CPPA était donc une évidence.

 

Pour SNCF même son de cloche. La démarche stratégique autour des CPPA était en préparation depuis longtemps et les décisionnaires convaincus de la valeur de tels contrats pour l’entreprise. C’est cette valeur perçue qui a permis à l’entreprise de s’engager dans un contrat d’aussi long-terme malgré des risques financiers potentiels. En effet, sur une durée de  25 ans, le prix de l’électricité sur les marchés peut devenir significativement inférieur au prix du contrat ou la valeur de la production solaire peut décroitre suite à un développement important de cette énergie au niveau national/européen. “Ces risques de long-terme ne peuvent être pris que si cela à un sens pour le business, il faut qu’il y ait de clairs avantages économiques ou en terme d'acceptabilité locale pour l’entreprise ” nous explique Bénédicte Maury.

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Ces risques de long-terme ne peuvent être pris que si cela à un sens pour le business, il faut qu’il y ait de clairs avantages économiques ou en terme d'acceptabilité locale pour l’entreprise

 

Bénédicte Maury - SNCF Energie.

 

On peut facilement imaginer que négocier un contrat sur une telle durée n’a pas été facile même pour des contreparties aussi motivées. Certains points sont en effet naturellement complexes à négocier, même lorsque les parties sont d’accord sur les éléments clés du contrat, tels que le prix et la durée. Pour Laurent Pillot , plusieurs points sont sensibles dont les cas de résiliation qui nécessitent d’être bien cadrés.

 

Les développeurs renouvelables sont soumis à certains aléas quant à la réalisation de leurs projets. En effet, celui-ci est soumis à l’obtention d'autorisation administratives et d’un financement suffisant. Dans le cas où le projet ne parvient pas à sortir de sol, le CPPA ne sera pas réalisé, c’est généralement une condition suspensive du contrat. Ce cas de figure peut causer un préjudice au consommateur qui va devoir acheter l’énergie qui aurait dû être livré dans le cadre du CPPA à un prix potentiellement plus élevé sur les marchés.

 

Plus compliqué encore, il est aussi possible qu’au cours du contrat, une des contreparties, plus probablement le consommateur même si l’autre cas est possible, ne puisse ou ne veuille plus honorer les termes du contrat -- dans ce cas d’une faillite par exemple. Dans ce cas de figure, il existe un risque de contrepartie important, en effet il y a de fortes chances qu’entre le moment de la signature du contrat et le défaut d’une des parties le prix de l'électricité sous-jacente ait fortement évolué à la hausse (au détriment du consommateur) ou à la baisse (au détriment du producteur). Il faut alors décider d’une règle d’indemnisation pour la partie lésée par la fin du contrat. Le plus juste étant alors de réaliser un “mark-to-market” où l’on calcule la différence entre le prix à date pour l'électricité restante à livrer et son prix à la signature du CPPA. Le problème étant alors de déterminer le prix de l’électricité pour la durée restante du contrat car celle-ci peut être encore longue.

 

Pour Laurent Pillot, il n’existe pas de solutions toutes faites dans ce cas. “On a plusieurs choix  pour ce calcul, recourir aux prix  à terme sur les marchés quand ils sont déjà cotés mais ce n’est pas forcément le cas, à des prévisions d’experts ou encore définir un “floor”, un prix minimum en-deçà duquel il est peu probable que le prix de marché aille.”

 

Toutefois,  pour Bénédicte Maury, il n’existe pas d’obstacles insurmontables tant que les parties sont prêtes à se retrousser les manches et à consacrer le temps et les ressources nécessaires pour le contrat voit le jour. “La négociation a été longue, pour un acheteur conclure un CPPA nécessite d’apprendre le métier d’un producteur renouvelable. Il faut aussi assimiler que l’on est dans une logique de cost-plus pas dans une logique de prix de marché. Que les règles qui s’appliquent dans un contrat de fourniture ne s’appliquent pas forcément pour le CPPA”.

 

La question du financement des actifs renouvelables est intimement liée aux CPPA. Comment ceux-ci sont-ils reçus par les institutions financières, habituées aux mécanismes de soutien et à leurs revenus garantis par la puissance publique? Pour Voltalia les premiers retours des institutions financières ont été plutôt positifs. “Il y avait une certaine curiosité autour du contrat, tout le monde voulait participer pour le voir. ”.

 

Des organisations comme EFET ou la FEE ont publié des contrats standards de CPPA et le Think-Thank la Plafeforme Verte a publié un guide pratique visant à simplifier l’élaboration des futurs contrats. Est-ce que ces initiatives ont été utiles et qu’est-ce qui peut aider le développement de futurs CPPA  en France? Pour Laurent Pillot, “Il n’existe pas de solutions/contrats simples et compatibles avec tous les acteurs. Les CPPA sont des contrats qui resteront assez spécifiques aux besoins de chacun. Il y aura par contre des innovations contractuelles à développer tels que les contrats multi-acheteurs [CPPA groupé]”.

 

Il y a-t-il alors des leçons à retirer du CPPA Voltalia-SNCF, qui pourraient être utiles à d’autres entreprises souhaitant s’engager dans la même voie? Selon Bénédicte Maury “Il n’existe pas vraiment d’astuces ou de raccourcis dans les CPPA, chaque contrat est très détaillé et spécifique au projet sous-jacent. La réussite d’un CPPA dépend du fait que l'entreprise s’est assurée en amont qu’il existe une vraie valeur ajoutée liée au contrat. Si cette valeur n’existe pas l’entreprise va rapidement baisser les bras”.

 

A la fois Voltalia et la SNCF vont poursuivre leur démarches et certainement conclure de nouveaux CPPA en 2020. On espère que d’autres entreprises vont leur emboîter le pas.   

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