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Effacement de consommation dans le tertiaire: comment réussir un projet?
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Jusqu’à présent la grande majorité des capacités d’effacement, qu’elles soient valorisées via le mécanisme de capacité et/ou dans le cadre des réserves de RTE, sont constituées par des processus de production industriels ou par le démarrage de générateurs diesel (effacement “gris”). Pourtant, il existe un fort potentiel d’effacement dans le secteur tertiaire, environ 2 GW selon les estimations du cabinet E-Cube (effectuées pour le compte de l’ADEME) .

 

En effet, une partie de la consommation des sites tertiaires (immeubles de bureaux, grande distribution, logistique, etc.) est dite flexible, i.e. cette consommation peut être reportée pour une courte période de temps sans impacter significativement l’activité du site ou le confort de ses occupants. C’est le cas de la climatisation/chauffage et de la réfrigération, en effet ces processus bénéficient d’une certaine inertie thermique (la température d’une pièce ne chute pas immédiatement lorsque l’on coupe le chauffage), ce qui leur permet d’interrompre leur consommation d'électricité durant un certain temps sans coût. Pourtant, malgré le gisement existant et les gains potentiels associés à la valorisation de cette flexibilité, encore peu de sites tertiaires participent aux mécanismes rémunérant l’effacement.    

 

Qu’est ce qui explique la sous-exploitation de ce gisement et que peut faire un consommateur tertiaire afin d’exploiter son potentiel de flexibilité ?  

 

Quels obstacles ? 

 

Pour Natacha Hakwik, Directrice Associée de la compagnie spécialisée dans la flexibilité et l’efficacité énergétique Eqinov, il n’existe aucune barrière technique à l’exploitation de ce gisement. Les outils numériques actuels permettent de contrôler à distance des centaines voire des milliers de sites. La valorisation de la flexibilité est généralement plus rapide dans le secteur tertiaire que dans l’industrie où les processus de production sont complexes. 

 

De plus, “Dans le tertiaire, l'effacement est indolore, contrairement à l’industrie où il peut engendrer une réorganisation des équipes, des retards ou pertes de production. Dans le tertiaire, l’activité du site n’est jamais affectée par la valorisation de sa flexibilité.” nous explique Natacha Hakwik.  

 

Cependant, plusieurs freins d’ordre économique viennent contrarier le développement de capacités d’effacement dans le tertiaire. 

 

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Dans le tertiaire, l'effacement est indolore, contrairement à l’industrie où il peut engendrer une réorganisation des équipes, des retards ou pertes de production. Dans le tertiaire, l’activité du site n’est jamais affectée par la valorisation de sa flexibilité

 

Natacha Hakwik - Eqinov.

En premier lieu, il existe une différence importante entre les capacités d’effacement présentes sur les sites tertiaires et les sites industriels et c’est leur taille. Si plusieurs MW peuvent être mobilisés sur un grand site industriel, on parle de quelques centaines de kW sur un site tertiaire. Le revenu retiré de la valorisation de cette capacité est donc moindre et ne permet pas un investissement important. On parlera ainsi de quelques milliers d’euros de revenu par an et par site dans le tertiaire contre plusieurs dizaines de milliers d’euros par an pour un site industriel. La relative modestie de ces montants peut ainsi décourager certaines entreprises tertiaires de s’intéresser à l’effacement. 

 

Les règles qui encadrent les mécanismes rémunérant l'effacement ne sont pas toujours bien adaptés à la participation des capacités tertiaires. Les règles encadrant ce que l’on appelle le “contrôle du réalisé” notamment peuvent être une source de difficultés. A la suite de l’activation d’un effacement, RTE utilise diverses méthodes pour estimer, à partir des données de comptage du site concerné, la consommation “contre-factuelle”, la consommation qu’il y aurait eu sans l’effacement. La capacité mobilisée lors de l’effacement se calculant comme la différence entre la consommation contre-factuelle et la consommation réalisée (incluant donc l’effacement). 

 

Pour des sites dont la consommation est plate et dont les processus flexibles représentent la grande majorité de la consommation, le contrôle du réalisé ne pose pas de problème particuliers. Pour les sites tertiaires, dont la courbe de charge a un profil journalier très marqué (heures d’ouverture et de fermeture) et plus volatile, et dont une grande partie de la consommation n’est pas effaçable (éclairage, ordinateurs, serveurs, etc.), cela devient plus compliqué. 

 

Imaginez que vous souhaitiez réaliser un effacement dans un hypermarché de 7h30 à 8h00 et que pour se faire vous baissiez la puissance utilisée par les chambres froides du magasin de 100 kW. Malheureusement, au même moment que cette baisse a lieu, d’autres processus se mettent en route en même temps car le magasin est en train d’ouvrir ses portes. Si vous observez alors son compteur électrique, vous constaterez que la consommation de ce magasin de 7h30 à 8h00 n’a pas diminuée au contraire, malgré l’effacement, elle a augmenté par rapport à  son niveau de 7h00 à 7h30. Vous avez bien baissé la consommation de 50 kWh, pourtant cela ne se voit pas facilement. Il faut comparer la consommation avec effacement de la consommation historique sans effacement, sur le même pas horaire et dans des conditions climatiques similaires, afin de pouvoir discerner qu’il y a eu effacement. 

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Courbe de charge d'un hypermarché durant un jour d'hiver

Même en appliquant des méthodes d’estimation avancées prenant en compte cet effet, introduites par RTE ces dernières années, il existe toujours le risque que l’effacement ne soit pas observable ou seulement partiellement lors du contrôle du réalisé. Cela diminue de fait les revenus accessibles pour l’effacement tertiaire. Utiliser des dispositifs de sous-mesure, ne mesurant que la consommation des processus effectivement effacés et non pas la consommation de la totalité du site, serait la solution idéale pour contrecarrer cet effet. RTE va d’ailleurs lancer prochainement  une expérimentation d’un an sur le sujet.

 

Enfin, l’effacement souffre certainement d'un problème d’image. Le sujet est encore trop confidentiel pour de nombreuses entreprises tertiaires. Selon Natacha Hakwik, ”beaucoup d’entreprises n’intègrent pas encore l’effacement dans leur politique globale de RSE”. Pourtant la modulation de la consommation fait partie, avec l’efficacité énergétique et l’achat d’énergie renouvelable, des stratégies les plus importantes à implémenter si l’on souhaite réduire l’impact environnemental des sites de son entreprise. Décaler votre consommation durant les heures de pointe n’est pas bénéfique que pour votre porte-monnaie, cela permet aussi de réduire significativement les émissions de carbone. Les centrales de pointe (groupes diesel, centrale à fioul, charbon…) ont en effet un facteur d’émission de CO2 par MWh très élevé.

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Sainte Trinité des actions à entreprendre pour réduire l'empreinte environnementale de son site

 

Les clés de la réussite 

 

Malgré les limites évoquées plus haut, il est intéressant pour les grands consommateurs tertiaires de mobiliser des capacités d’effacement en passant par les services d’agrégateurs spécialisés, du moins s’ils suivent quelques règles simples. 

 

Comme l’investissement dans un projet doit être limité afin que celui-ci soit économiquement rentable, il est préférable d’utiliser au maximum des dispositifs de gestion de l’énergie déjà existants sur site (GTB, GTC, etc.). L’agrégateur se connectera alors directement à ces dispositifs afin de déclencher des événements d’effacement sans avoir à installer d’équipement supplémentaires. Toutefois, il s’agit pour le consommateur d’être au courant de ce qui est installé sur ses sites (type et marque du dispositif...). Cela parait simple mais ce n’est souvent pas le cas, surtout pour des grands consommateurs multi-sites qui ont acquis de tels systèmes au fil du temps, utilisant divers fournisseurs et modèles et oubliant bien souvent leurs fonctionnalités exactes. Un effort de recensement et de centralisation des dispositifs doit être réalisé. 

 

Dans certains cas, les systèmes de gestion existants devront être mis à jour ou re-paramétrés pour permettre un contrôle fin de la consommation. Il est alors important de savoir si des compétences existent en interne, s'il existe des contrats de maintenance avec des acteurs tiers ou si cela peut être confié directement à l’agrégateur d’effacement.  

 

Heureusement, toutes ses tâches seront aussi utiles pour de potentiels projets en efficacité énergétique. Elles peuvent même générer des économies d’énergie immédiates (notamment grâce à la mise à jour ou au paramétrage des GTB qui fonctionnent souvent de façon non optimale). 

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