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Financiarisation du marché de  l'électricité
Bourse

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Ecrit par Alexis Gléron en septembre 2024

En 2024, tout investisseur particulier peut facilement spéculer sur le prix du pétrole directement depuis une application mobile, que ce soit via des contrats futures ou, plus souvent, des ETF.

De commodité physique, le pétrole brut est devenu un actif financier. Pour chaque baril de pétrole brut « physique », 20 à 30 barils « papier » s’échangent. En conséquence directe, le prix du baril est devenu de plus en plus corrélé aux mouvements des autres actifs financiers.​

Les marchés de l’électricité actuels ressemblent fortement au marché du pétrole il y a 40 ans. La majorité des participants sont des acteurs physiques: producteurs, fournisseurs, consommateurs, etc. Beaucoup de contrats sont à livraison physique, même si ses dernières années, les échanges financiers se sont développés. Les différents marchés de l'électricité sont de taille limitée et illiquides.

Est-ce vraiment un problème ? Pourquoi votre dentiste devrait-il pouvoir spéculer sur le cours du CAL 2027 ? L’électricité, bien de première nécessité, ne devrait-elle pas être protégée des griffes des banques et des hedge funds ? C'est justement le sujet, un peu polémique, de cet article.​

Nous allons explorer pourquoi les marchés de l’électricité doivent se financiariser davantage et pourquoi cette financiarisation est un facteur clé de la transition énergétique.

Liquidité et complétude

Commençons par le commencement, avant de nous hâter dans les explications, il est important de connaître le principe de liquidité et de marché complet.

La liquidité est la possibilité pour les acteurs de marché de conclure des transactions rapidement et à moindre coût. Elle est généralement mesurée à un instant T, via différents indicateurs, comme le volume de transactions réalisées, la différence entre la meilleure offre d’achat et de vente (bid-ask spread), ou encore la profondeur du carnet d’ordres.

Un marché complet est un marché où les acteurs peuvent couvrir tous leurs risques. Si vous êtes exposés  au risque d'une hausse du prix de l'électricité à l'hiver 2029, un marché complet vous permet d'acheter dès aujourd'hui un contrat (forward, futures, etc.) pour vous protéger en fixant ce prix. De même, si vous produisez de l'électricité solaire en milieu de journée et souhaitez vous protéger contre une baisse des prix à ces heures spécifiques, un marché complet vous le permet.

Les marchés de l’électricité actuels ne sont pas considéré comme liquide et complet, deux principes liées. La liquidité des marchés se concentre uniquement sur quelques contrats standards, baseload, avec une échéance assez proche. Même sur ceux-ci, les coûts d’exécution d’une transaction sont élevés par rapport à d’autres actifs. En comparaison avec le marché du pétrole, les échanges peuvent s'effectuer jusqu’à plusieurs années à l’avance et bénéficie de nombreux produits optionnels, qui existent en électricité mais sont largement illiquides.

 

Les discussions et réformes autour du marché de l’électricité européen ont  largement ignoré ces deux grands dysfonctionnements.

Durant la crise de 2021-2022, le marché de l’électricité a été paralysé par le manque de liquidité, empêchant les acteurs de se couvrir et entretenant des prix « délirants » déconnectés des fondamentaux physiques. Si on se concentre sur cette période en particulier, la présence d’acteurs financiers, « shortant » les marchés à terme et espérant profiter d’une baisse de prix, aurait grandement amélioré la situation. À l'inverse, en 2024, les prix durant les heures solaires se sont littéralement effondrés, et les acteurs (producteurs et agrégateurs principalement) n'ont pas pu couvrir l'ensemble de leurs volumes à terme, par manque de produits financiers appropriés.

La base d'une meilleure liquidité est un marché transparent porté par une diversité d’acteurs physiques, ce qui fait encore défaut dans de nombreux pays européens. Cependant un marché transparent n'est pas suffisant pour procurer un niveau de liquidité et de complétude similaire à celui du pétrole, la présence d’acteurs financiers est également requise.

Financiarisation et transition énergétique : Un enjeu majeur

Premier constat, la transition énergétique a besoin de prix long terme liquides et transparents. Or, les marchés de l'électricité actuels ne garantissent pas ces conditions, ce qui freine le financement des infrastructures essentielles à la réalisation de la transition.

Prenons l'exemple des producteurs d'énergie renouvelable : ils ont besoin pour la plupart des engagements de prix sur le long terme pour assurer la rentabilité de leurs projets. Cependant, en l'absence de marchés à terme robustes et liquides, ils doivent souvent se reposer sur des Power Purchase Agreements (PPAs). Bien que ces accords soient efficaces, ils sont difficiles à déployer à une échelle suffisante. Il est essentiel de disposer de prix de long terme de marché, pour financer de manière adéquate les infrastructures renouvelables. Ce besoin est d'autant plus critique à mesure que nous nous approchons de la fin des subventions pour de nombreuses technologies renouvelables en Europe.

Coté consommateurs, c’est le même besoin, afin de financer l’électrification de leurs process, ils ont besoin de verrouiller la rentabilité de leurs investissements et donc de connaitre sur le long-terme le coût de leur électricité. Signer des PPAs, qu’ils soient renouvelables ou nucléaires, représente une part de la solution mais les volumes issus de ces contrats sont généralement indexés sur la disponibilité des centrales sous-jacentes. Ce qui représente un risque pour le consommateur et donc un frein important à l’adoption.

De nouveaux Instruments Financiers : Un besoin impérieux

La création de nouvelles formes de contrats financiers, dépassant les contrats futures/forwards baseload et peakload actuels, mieux adaptés aux spécificités des actifs de la transition énergétique est une nécessité. Cela inclut des produits dérivés plus sophistiqués (profil solaire, options, etc.) et des instruments de couverture à long terme qui permettraient aux acteurs de se prémunir contre les fluctuations de prix sur des horizons temporels plus longs. Afin que ces nouveaux contrats voient le jour une plus grande diversité d’acteurs, aux besoins et préférences de risques hétérogènes, doit être en mesure de participer aux marchés de l’électricité.

Pas de recette miracle, mais des avancées nécessaires

Contrairement au pétrole, qui est une commodité globale transportable par bateau et dont le marché est mondial, l'électricité est par nature un bien plus local, limité par la longueur des interconnexions physiques. Ce caractère local limite historiquement le nombre d'acteurs sur le marché. Cependant, cette situation est en train de changer rapidement avec l'émergence de nombreux petits producteurs et fournisseurs, particulièrement en Europe. Cette diversification des acteurs doit être soutenue par une infrastructure de marché qui leur permet d'accéder à des instruments financiers avancés, adaptés à leurs besoins spécifiques. Il n'existe pas de recette miracle pour résoudre les défis complexes décrits plus haut. L'évolution vers des marchés plus liquides et plus complets est non seulement souhaitable mais indispensable pour assurer la réussite de la transition énergétique. La présence accrue d'acteurs financiers sur ces marchés peut sembler controversée, mais elle est un facteur clé pour apporter la liquidité nécessaire à leur bon fonctionnement. Cette financiarisation, correctement encadrée, peut ainsi jouer un rôle crucial dans le développement d'un système énergétique durable et résilient.

Remarques additionnelles

Certains pourraient s'inquiéter de voir des investisseurs inexpérimentés, comme votre dentiste, spéculer sur le cours de l'électricité. Cependant, il est important de se rappeler que ces investisseurs prennent déjà des risques sur d'autres produits tout aussi exotiques et volatils, comme les cryptomonnaies ou les dérivés complexes. Autant qu'ils apportent un peu de liquidité à des marchés dont le bon fonctionnement est vital pour notre avenir énergétique. Par ailleurs, il est frappant de constater que l'investisseur particulier qui met 100 euros dans un ETF ou dans un jeton numérique bénéficie souvent de meilleurs outils technologiques et de données plus précises qu'une PME qui achète pour 1 million d'euros d'électricité par an. Cette asymétrie est révélatrice du retard des marchés de l’électricité et des inefficiences que cela peut engendrer.

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