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Résultats de l’AOLT Capacité:  vers un mix décarboné et flexible? 
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Source: NW Groupe

 

Une des critiques les plus sérieuses du mécanisme de capacité est le fait que, malgré un poids devenu important dans les factures d’électricité, celui-ci n’a pas pour l’instant incité à l’investissement dans de nouvelles capacités. Le dispositif d’appel d’offres long-terme (AOLT), qui a été ajouté au mécanisme l’année dernière, semble être plus efficace à la tâche.  

 

Le Ministère de la Transition écologique et solidaire a en effet annoncé le mercredi 26 février que 377 MW de nouvelles capacités ont été retenues pour recevoir durant 7 ans un revenu garanti. Parmi celles-ci, on compte 253 MW de stockage et 124 MW d’effacement. 

 

En quoi consiste l’AOLT? 

 

Nous n’allons pas rappeler ici le fonctionnement du mécanisme de capacité, qui a déjà été décrit extensivement dans d’autres articles d’Ener’Focus (le numéro 1 notamment), pour nous concentrer spécifiquement sur l’AOLT. 

 

L’AOLT est un appel d’offres destiné uniquement aux nouvelles capacités, ne bénéficiant pas par ailleurs de soutien public et émettant moins de 0,2 kgCO2 par kWh produit. Il diffère en ce point du mécanisme de capacité dont les revenus annuels sont accessibles à tout type de capacité. Il est normalement organisé quatre ans en amont de chaque année de livraison par le Ministre chargé de l’énergie, toutefois cette règle n’est pas respectée pour la première édition.

 

Les projets dont l’offre est inférieure au prix marginal de l’appel d’offres, “le prix garanti”, sont retenus et bénéficient d’un contrat pour différence qui leur assure une rémunération stable égale à ce prix garanti, durant une période de 7 ans. Ainsi, durant la période couverte par l’appel d’offres, si le prix garanti est supérieur au prix de référence du marché, soit le prix de la dernière enchère de capacité organisée par EPEX avant l’année de livraison, le projet lauréat obtiendra la différence. Dans le cas contraire, il versera la différence sur un fond dédié.

 

Quatre appels d’offres ont été organisés en 2019, sur les périodes ci-dessous :

  • 2020 – 2026

  • 2021 – 2027

  • 2022 – 2028

  • 2023 – 2029

Les capacités finalement retenues l’ont été uniquement pour les périodes 2021-2027 ou 2022-2028. Aucune offre soumise n’a été retenue sur la période 2020-2026 ou 2023-2029. La demande administrée, estimée par RTE et servant au calcul du prix marginal, était en effet moindre sur ces périodes.

Sur la période 2021-2027, 151 MW (93MW batteries et 58.1MW effacement) de projets ont été retenus à un prix garanti de 29 k€/MW/an Sur la période 2022-2028, 226 MW (160 MW de batteries et 66 effacement) de projets ont été retenus à un prix garanti de 28 k€/MW/an.

 

Au total, c’est 1600 MW d’offres qui ont été soumises lors de l'AOLT (toutes issues de projets d'effacement ou de stockage). Soit 1223 MW d’offres non retenues car non compétitives. Pour l’anecdote, 380 MW ont été proposé au-dessus du prix plafond du mécanisme de capacité (60k€/MW) et ont donc été automatiquement disqualifiées (il faut lire les règles avant de répondre…).

Capacités_retenues_lors_de_L'AOLT_Total.

Lauréats des deux périodes par capacité retenue

Quelles sont les capacités retenues ? 

 

Étant donnée la contrainte forte en terme d’émission (en cohérence avec la dernière PPE) et l’exclusion des capacités en soutien, peu de technologies pouvaient en pratique participer à l’AOLT. Les 12 lauréats proposent uniquement des projets de stockage ou d’effacement. 

Le grand gagnant de l’AOLT est le stockage batterie -- à ma connaissance tous les projets retenus reposent sur la technologie Li-ion. Alors que celui-ci peinait à décoller en France métropolitaine, l’AOLT semble avoir “boosté” son développement. 3 lauréats, Total Flex (ex-BHC Energy), Amarenco et RES concentrent les gros projets. Nos grands énergéticiens nationaux, Engie et EDF, semblent par contre avoir loupé le coche. C’est étonnant, d’autant plus qu’EDF avait annoncé en grande pompe un “Plan Stockage” en 2018. 

 

L’effacement diffus, i.e. réalisé sur des sites résidentiels ou du petit tertiaire, est aussi un des grands gagnants. Bonne nouvelle, celui-ci est également “vert” (pas de recours à un générateur diesel pour couvrir la consommation effacée). Ici c’est Voltalis, le pionnier du secteur, qui rafle la mise. 

 

Ces deux types de technologies sont dites flexibles, leur capacité peut être mobilisée en totalité dans des délais allant de moins d’une seconde (batterie) à quelques secondes (effacement diffus). Les capacités thermiques sont plus lentes, une turbine à gaz par exemple va mettre quelques heures à passer de l’arrêt à sa pleine capacité, ce délai se compte en jours ou en semaines dans le cas des centrales charbon et nucléaires. 

 

L’effacement et le stockage sont donc particulièrement adaptés pour répondre rapidement aux aléas du réseau et donc pour la participation aux réserves organisées par RTE. 

 

L’AOLT une manne pour les nouvelles capacités?

 

Le revenu garanti de la capacité n’est pas suffisant à lui seul afin d’assurer la rentabilité d’un projet de stockage ou d’effacement diffus. Ceux-ci devront participer à d’autres mécanismes de marché afin de se constituer un revenu total suffisant. 

 

Pour le stockage batterie, le revenu principal est traditionnellement issu de la participation à la réserve primaire. En 2019, les revenus issus de la participation à cette réserve, qui se fait désormais de manière journalière, ont été de 78k€/MW/an. Si on ajoute les revenus de l’AOLT, on obtient un revenu total de 106k€/MW/an, suffisant pour rentabiliser une capacité de stockage batterie (un revenu d’environ 90 k€/MW/an est nécessaire à la viabilité d'un projet). Toutefois, comme le démontre le graphique ci-dessous, ces revenus sont tendanciellement en baisse. On a même observé des prix nuls le 20 et 21 janvier 2020. 

 

La réserve primaire est petite taille, seulement 540 MW au niveau français. L’ajout d’environ 253 MW de stockage, offrant leur capacité à un prix nul ou très bas, va probablement conduire à un écroulement des prix. Et cela même si certains actifs thermiques devraient stopper leur participation. Les capacités de stockage devront donc fatalement se tourner vers la réserve secondaire, qui devrait être ouverte totalement à la concurrence en 2021. L’arbitrage sur les marchés de l'énergie (mécanisme d’ajustement ou marché intraday) ont encore des revenus trop faibles pour être réellement considérés, mis à part quelques jours de pointe dans l’année.

 

L’AOLT n’assure donc pas un business model "bullet proof" aux nouvelles capacités. Il faut aussi considérer que cet appel d’offres n’est pas reconduit automatiquement. Les analyses de sécurité d’approvisionnement (Bilan prévisionnel 2019) conduites par RTE montrent qu'il n’existe pas de besoin pour de nouvelles capacités éligibles à l’AOLT à partir de 2024. RTE s’interroge donc sur l’opportunité de lancer un AOLT sur la période 2024-2030 en 2020.

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Evolution des prix de la FCR, source Bruno Menu, http://fcr.bmenu.fr/

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